La vie d’antan à Malans

 

« Quand je décidais de venir à Malans, oh, je venais quoi, une fois tous les deux mois. J’aimais bien y descendre. Depuis Amancey, je faisais un kilomètre et demi sur la plaine, et déjà j’apercevais Malans. Il valait mieux descendre la côte que la remonter… C’était beau quand le temps était clair. On voyait tout le coteau des vignes bien entretenu sous la roche à droite. Des fois, certains travaillaient déjà. Hé oui, les gens partaient travailler de bonne heure… Puis là-bas en face, c’est Crimont qui domine le village. Au pied de la colline, c’est le val d’Anchet, là en contrebas. Le clocher sonnait. Si je voulais voir du monde à Malans, il ne fallait pas traîner. Je commençais donc à descendre en direction de Malans. Je prenais un petit sentier, oh, il était bien marqué, il y avait du passage. Les gens l’appelaient « le chemin du facteur ». Je traversais les friches, puis j’arrivais à l’entrée du village, vers l’église. Les rues étaient bien plus étroites qu’aujourd’hui. Déjà, il y avait la soue à cochon de chez Marcel Parrod (actuellement chez Mélot), qui aujourd’hui a disparu, mais c’était la première chose que l’on apercevait quand on arrivait.

J’aimais venir à Malans, les gens y étaient simples et tellement accueillants. Quand on passait dans le village, les gens sortaient sur leur pas de porte et disaient : « Ben ça fait longtemps qu’on ne vous a pas vu, entrez donc cinq minutes, boire un jus ! » Faut dire que j’étais bien content de pouvoir discuter un peu avec eux… »

( Propos receuillis par un habitant d'Amancey, d'un âge... certain)

Le repas

Les douze coups de midi venaient à peine de sonner au clocher de l’église que les grelots d’une charrette se firent entendre devant la maison. Il ne fallait pas traîner, les hommes arrivaient ; tout devait être prêt pour le repas.

On invitait le curé ou l’instituteur à souper. Chacun prenait sa place autour de la table en bois. Après la prière habituelle avant le repas, le père coupa de longues tranches de pain qu’il plaça au centre de la table, tandis que la mère déposait sur un carré de bois une énorme soupière dont les effluves embaumaient toute la pièce. Le père commença alors le service en remplissant les assiettes de chacun.

 

La guerre

Ils nous ont ramassé nos prisonniers : On avait deux Français chez nous, des Parisiens : le plus vieux avait 40 ans et était plus malin. On lui a prêté des habits, puis il est parti comme ça en civil, il est arrivé chez lui sain et sauf. Mon Parisien, mon camarade, il n’a pas voulu se cacher, les Allemands l’ont chopé.

George m’a dit qu’il avait des réfugiés cachés dans la grange. Les Allemands sont passés et ont demandé : « Il y a des soldats cachés dans les granges ? » Le père Tramu répond : « Ben, ma foi, non. » Les soldats français sont sortis les mains en l’air. Le père Tramu était fou, mes amis, qu’il leur a répondu, vous auriez dû rester dans la grange !

Il y avait toute une compagnie de Français cachée dans le bois, c’est Robert Cornu qui les nourrissait : œufs, saucisses, jambon, pain.

La vie de paysan

Autrefois, tout le monde était agriculteur, sauf peut-être à l’exception d’un ou deux tenant un commerce. À Malans, la plupart des habitants avaient une vache ou deux pour survivre. Les plus grands paysans du village dans les années 30/40 possédaient cinq vaches, pas plus.

Selon les saisons, les travaux étaient différents. Par exemple, pendant la saison d’été, au moment des foins, le matin, ils se levaient à 3h, pour être dans le champ à 4h au lever du jour. Ils partaient avec les bœufs, arrivés sur place, ils fauchaient à la machine quand c’était plat, sinon les talus, ils les fauchaient à la faux. Et comme à Malans, ce n’était pas souvent plat, les hommes en bavaient.

Vers huit heures, ils prenaient le petit déjeuner. Ensuite, pendant que les hommes continuaient à faucher, les femmes mettaient en andains. Vers midi, ils faisaient une pause pour déjeuner. Les femmes avaient préparé le casse-croûte. Ensuite, l’après-midi, ils retournaient le foin pour le faire sécher, « on tournait, tous à la main », et on « ramassait au petit râteau ».

Ensuite, il fallait charger sur « des voitures à cercle », et on revenait à Malans, toujours avec les bœufs. « Je me souviens dans les virages, on versait facilement. » En arrivant, il fallait décharger. Les hommes s’en chargeaient, car les femmes devaient aller traire. Oui, parce que dans ce temps-là, les hommes ne traiaient pas, c’était uniquement les femmes, sauf peut-être chez quelques familles à Malans, pour des raisons bien particulières. Les hommes avaient assez à faire avec leurs vignes qu’il fallait piocher tous les jours, le bois qui devenait une corvée hebdomadaire, et bien sûr aller faucher, un peu d’herbe matin et soir pour les lapins.

Souvent, ce sont les enfants, parfois les femmes, qui, vers sept heures, allaient au chalet avec une petite charrette où étaient déposés un ou deux bidons. « Quand on y emmenait six ou sept litres, c’était déjà bien. »

La période des fumures, c’est-à-dire que le paysan étalait du fumier animal sur certaines de ses terres pour favoriser les récoltes. « On mettait surtout sur les champs de blé et d’orges, pour être sûr de bien récolter, les autres pouvaient bien s’en passer. »

Avant l’apparition des tracteurs, les travaux étaient beaucoup plus longs, les déplacements se faisaient en charrettes tirées par des bœufs ou des chevaux. Pour les fumures, les hommes chargeaient les charrettes de fumier et partaient avec les femmes aux champs. « Ça prenait du temps, on y allait à pied, il fallait guider les bœufs, on trouvait le temps long… »

Arrivés sur place, les hommes se dépêchaient de décharger la charrette du fumier pour ne pas perdre de temps, et ils rentraient à la ferme pour en recharger une. Pendant ce temps, les femmes étendaient le fumier sur les champs avec des crochets à trois dents. Cette opération était réalisée six, sept fois par jour.

 

Le pain

Les femmes faisaient une tournée de pain une fois par semaine, elles cuisaient une douzaine de miches et on le gardait 10 jours. « Bien sur au bout de 10 jours, il fallait pas être difficile, le pain était un peu sec ».

Les lessives:

Autrefois, j’entends par là, au début du siècle, les femmes lavaient le linge « au cuveau ». Elles coulaient la lessive, faisaient cuire de la cendre avec de l’eau, récupéraient le jus, faisaient cuire le linge et le rinçaient ensuite. Cette lessive se faisait une fois par an, donc on lavait le linge tous les ans. Puis, les lessiveuses ont été créées, ainsi que les planches à laver, et elles rinçaient le linge à la fontaine (cassait la glace en hiver), les essoraient et les faisaient sécher.

Tellement que la vie était chère, les femmes faisaient des tabliers avec des « pantets » de chemises et des couches avec des draps déchirés.

 

Les cabanes

Dès le premier juillet nous étions en vacances, le rêve… Les vacances étaient synonyme de chaleur, baignade, amusement, travail, et surtout ce qui était le plus important, on n’avait pas école donc pas de devoir… si ce n’est un petit cahier de vacances et encore… Levés de très bonne heure, généralement nous déjeunions devant la télévision, puis ensuite nous sortions. Nous jouions la plupart du temps dehors et les activités de manquaient pas. Faire des cabanes était un des jeux les plus appréciés par les enfants du village. Tous les enfants du même âge se rejoignaient et faisaient  une grande « cabane  commune ». De nos souvenirs puisque l’on se les remémore de temps en temps, nous nous souvenons avoir construit une cabane anciennement chez l’Alvine membre, (aujourd’hui à coté de l’entreprise Languille). Ce devait être d’ailleurs son ancien poulailler, enfin peu importe  c’était une petite maison qui risquait de s’écrouler du jour au lendemain , c’était interdit d’y aller, mais nous avions tous effectué un grand ménage, et apporté quelques vieux objets pour décorer notre maison. Et là,  place à l’imagination, chacun rêvait d’habiter cette humble demeure qui pour nous frisait la perfection.
Nous sommes allés à un autre endroit, qui je pense restera un très bon souvenir pour tous ceux qui y sont allés : Le bachu de chez Aimée Nicolet. Il fallait escalader par la vielle faucheuse rouge qui était resté sous ce hangar, puis ensuite par une petite trappe nous accédions à c’te petite pièce. Nous avions installé un vieux canapé qui n’était autre qu’un vieux siège de voiture. Nous avions un vieux ballet pour nettoyer, de vieux rideaux décoraient la fenêtre, une table, une vielle chaise récupérer sans doute à la poubelle (qui se trouvait à cette époque dans le virage de marbeux), des verres, des couverts, de la soupe confectionnée avec quelques herbes, des pissenlits, des orties, et un peu d’eau pluie. Cette cabane était devenue notre plus grand intérêt.

C’était une petite cabane, placé sous un toit, il y avait donc peu de place. Nous pouvions apercevoir entre les planches, les personnes qui passaient sur la route. Le grand silence était respecté pendant ces passages pour éviter de nous faire « repérer ». Bien sûr aller au bachu  était strictement interdit.

Il y a eu également les cabanes dans les bois Au Oies, à Ruet, (« Riet »). Il fallait des planches, de la ficelle, des clous, des marteaux, des cordes. La plupart du temps les enfants les prenaient discrètement dans les ateliers des parents, et tachaient bien sûr de les remettre. Il fallait les transporter. Combien de fois la charrette à lait était attachée au vélo, pour faciliter les transports. ..